Entretien avec Anne-Sophie Mathis

Championne des poids super-légers WBA, la Domsbaloise Anne-Sophie Mathis (30 ans ; 1,78 m ; 63,5 kg ; 15 victoires, dont 14 avant la limite, 1 revers) retrouvera la Marseillaise Myriam Lamare (32 ans ; 1,68 m ; 13 succès, dont 6 expéditifs, 1 défaite) pour une revanche prometteuse, vendredi 29 juin au Palais des Sports de Marseille. Le 2 décembre dernier à Bercy, l'élève de René Cordier avait détrôné de son titre l'athlète entraînée par Louis Lavaly, par arrêt de l'arbitre dans le septième round, à l'issue d'un magnifique combat. À quelques jours seulement de son grand rendez-vous, la tenante du titre nous a accordé un peu de son temps précieux.


"Jouissez-vous d'une plus grande notoriété depuis votre sacre mondial ? Ce titre, que représente-t-il à vos yeux ?

- Oui ! J'ai aujourd'hui une plus grande notoriété, grâce à vous d'ailleurs, les médias. Ces derniers temps, j'ai participé à pas mal de débats et émissions de télévision. Ce titre m'a permis de me crédibiliser. Désormais, je suis plus libérée. Cette ceinture mondiale est l'aboutissement de quinze années de travail. J'ai toujours cru en moi. Pendant tout ce temps, j'ai persévéré et bossé pour arriver à un niveau correct. C'est aussi une fierté personnelle.

- Vous sentez-vous désormais dans la peau d'une championne du monde ?

- Non ! Je ne fonctionne pas en ces termes de championne du monde ou de challengeur. Je me sens dans la peau d'une gagnante, c'est tout ! Sans doute me faudra-t-il plusieurs défenses pour habiter complètement l'habit de championne du monde !

- Comment abordez-vous cette revanche ?

- Très sereinement. Je suis déjà très affûtée et je me sens en meilleure forme que lors de la première rencontre, à Paris. Je sais parfaitement à quoi m'attendre. Le danger viendra de toute part, car Lamare, soutenue par son public, aura à cœur de reprendre le titre. Je ne pense pas qu'elle commettra à nouveau l'erreur de vouloir me descendre en début de combat, comme elle a tenté de le faire la première fois. Elle va plutôt tenter de construire le combat. Quant à moi, je ne vais pas chercher la baston d'entrée ! Comme je suis un diesel, je vais tenter de la maintenir à distance pendant les trois quatre premiers rounds, avant de passer à l'attaque.

- Comment avez-vous préparé ce duel ?

- Avec sérieux. Mon club est un endroit où, en règle générale, les choses se font avec beaucoup de rigueur et de sérieux. Depuis ma victoire devant Lamare, je ne me suis jamais vraiment relâchée physiquement. J'ai disputé deux combats de préparation, juste histoire de conserver le goût de la victoire. Avec René Cordier, nous avons mené une préparation très dure, à raison de quatre heures de travail journalier. Le matin (10h00 à 12h00), puis en fin d'après-midi (18h00 à 20h00). Le travail a commencé avec un gros bouleau foncier et musculaire, pour se terminer par peaufiner les points techniques. Entre les deux, j'ai effectué les mises de gants. Moi qui n'aime pas trop la course, j'ai passé des heures sur le stade de Dombasle à faire des tours de pistes, entrecoupés par des petites pauses. René a aussi débusqué une petite côte idéale, pour me faire travailler les démarrages et le rythme cardiaque, comme sur le ring.

- Quels sont vos points forts ?

- J'ai une droite assez percutante et je possède une bonne science du ring. Pendant un combat, j'arrive à percevoir les choses et à bien lire la boxe de l'adversaire.

- Et ceux de votre rivale ?

- Elle est très rapide quand elle donne des coups. Myriam est également une personne très avenante… Plutôt du genre rentre-dedans, même !

- Existe-t-il du respect entres vous ?

- J'en ai pour elle, même si je la trouve un peu spéciale, parfois. Il lui arrive de ne me pas me dire bonjour. Je trouve que c'est un petit manque de fair-play.



- Le fait que cette revanche se déroule à Marseille, chez votre adversaire, a-t-il de l'importance ?

- Le lieu ne me pose pas le moindre problème. Cette revanche, c'est entre Lamare et moi qu'elle a lieu, pas avec les spectateurs marseillais ! Je suis certaine que ce sera encore plus dur qu'à Paris-Bercy, parce qu'elle aura à cœur de reprendre la ceinture devant les siens. Mais boxer à domicile demande aussi une plus grande débauche d'énergie. C'est stressant, car vous en en rajoutez pour les autres…

- Psychologiquement, quand allez-vous rentrer dans le match ?

- Je suis impatiente de me retrouver sur le ring face à elle. Physiquement, j'en ai un peu marre car c'est la routine ! Mais il faut bien que je repose les manivelles. Je commencerai à ressentir de l'adrénaline une fois à Marseille. Oui ! C'est là-bas, lors des trois derniers jours, que je rentrerai dans le combat à cent pour cent et que je monterai en pression.

- En cas de succès vendredi prochain, qu'aimeriez-vous faire ensuite ?

- Si je conserve mon titre, je veux disputer des combats qui tiennent la route. J'aspire à progresser devant des grandes athlètes. Et puis, même si je n'aime pas vraiment faire le show, ce n'est pas dans ma nature, j'aimerais être à l'affiche d'une grande réunion à Las Vegas. Juste pour tutoyer le très haut niveau.

- Le 13 juin dernier, à 8h20, vous avez soufflé vos trente bougies. Vous avez-pu en profiter un peu…

- Pas complètement ! Mon club de Villerupt m'avait préparé un gâteau d'anniversaire, mais entraînement oblige, je n'ai pas pu faire la fête comme l'aurais souhaité. Je fêterai doublement l'événement le vendredi 29 juin prochain. C'est promis !

- De quoi avez vous besoin pour réaliser votre bonheur parfait ?

- De reconnaissance… Et d'argent !"

Propos recueilli par Olivier Monserrat-Robert.